Alain Chevassus, champion du modèle “Make and trade”
Le président de Cosfibel plaide en faveur de l’émergence des entreprises de taille moyenne comme fournisseurs des marques mondiales.
Alain Chevassus apprécie la valeur réelle du plan de relance de 100 milliards d’euros présenté par le Premier ministre Jean Castex jeudi 3 septembre 2021. A commencer par les mesures de soutien aux entreprises pour les aider dans la « transition numérique ».
Selon le président de Cosfibel – spécialiste du packaging de luxe et des objets promotionnels dont le chiffre d’affaires s’élève à 83 millions de dollars en 2019 – seules des capacités informatiques puissantes peuvent permettre aujourd’hui à un fournisseur de répondre aux demandes de plus en plus complexes des grandes marques de luxe présentes dans le monde entier. Ces complexités sont multiples.
Tout d’abord, en termes d’offre, le lancement d’un produit de luxe implique bon nombre d’éléments différents : sacs d’achat, boîtes-cadeaux comprenant des trousses de maquillage, rubans et autres goodies…
Deuxièmement, en termes de géographie, les marques mondiales adaptent leur offre aux différents marchés en fonction de la langue et des habitudes de consommation.
Troisièmement, en termes de lignes de produits, une seule commande peut comprendre une centaine d’unités pour une boîte et des centaines de milliers de sacs.
Quatrièmement, en termes de production, il est difficile pour les fournisseurs de posséder toutes les machines nécessaires à la fabrication et à la décoration tout en restant compétitifs.
Enfin, en termes de matériaux. Sur ce sujet, Alain Chevassus est particulièrement tranchant, se disant scandalisé par le « plastic bashing », et parlant avec force des « vertus exemplaires du rPET, ou polyéthylène téréphtalate recyclé ».
Un savoir-faire fédérateur
Fidèle à ses convictions, Alain Chevassus a fait du « make and trade » la pierre angulaire d’un groupe construit comme une fédération de compétences complémentaires. Ainsi, un accord exclusif avec La Soie permet de proposer une offre dans le domaine du textile tandis qu’un partenariat avec HPC renforce l’offre d’emballages en plastique injecté de l’entreprise.
Le groupe a conclu un accord similaire avec Tendero pour ses productions carton et avec les Tissages De Charlieu dans le domaine du textile. « Nous fabriquons et nous nous approvisionnons en fonction de nos besoins « . Gérés par un Chief Digital Officer (CDO), nos outils informatiques sont essentiels pour coordonner précisément les commandes, la production et les livraisons.
BPouvoir optimiser un conteneur en cours d’expédition depuis la Chine en fait partie. Pour gérer les flux de produits, nos chefs de projet sont des généralistes qui s’appuient sur les compétences de spécialistes aux connaissances parfois très techniques et essentielles » explique Chevassus, qui croit fermement à l’émergence d’entreprises moyennes multi-spécialistes. « La valeur d’une entreprise est liée à la stabilité de ses équipes et à leur expertise », affirme-t-il.
Le dirigeant est toujours à l’affût d’acquisitions ciblées afin d’atteindre une « masse critique ». Il faut être assez grand pour évoluer sur les marchés mondiaux, mais pas trop grand pour rester flexible face aux géants du luxe, avec une combinaison intelligente de savoir-faire humain et de nouvelles technologies.
Des partenaires solides
Très différente des marges traditionnelles des produits de consommation, la valeur ajoutée d’un emballage de luxe est très élevée.
« L’analogie avec l’industrie automobile est très pertinente. Les grandes marques sont des spécialistes de l’assemblage, et les fabricants d’emballages sont des équipementiers qui fournissent des pièces complètes semi-assemblées. Il est vital pour les marques de pouvoir compter sur des partenaires solides, capables d’innover tout en sachant gérer l’impondérable », observe-t-il.
Cosfibel gère 20 bureaux dans le monde, appelés « réseaux urbains ». « Il n’est jamais facile de prévoir si un produit aura du succès. Il est parfois nécessaire de livrer en urgence des réapprovisionnements en Asie parce qu’une promotion a été particulièrement réussie. Seule une organisation de premier ordre peut le faire », explique Alain Chevassus. Il compte bien « ne pas perdre d’argent sans perdre son âme ».
La pandémie de COVID-19 a-t-elle rebattu les cartes ? Alain Chevassus se veut prudent, mais, en fin connaisseur des stratégies de ses clients, il imagine une restructuration du marché qui verra des acteurs généralistes diversifiés absorber des spécialistes déstabilisés par le déclin brutal de segments comme le travel retail.